22 August 2022

ŒIL POUR ŒIL, DON POUR DON

Dans cet article, ZUPdeCO vous présente le livre Oeil pour oeil, Don pour Don, rédigé par Alain Caillé et Jean-Edouard Grésy.


Nous voulons tous être reconnus pour les dons que nous faisons ou que nous croyons faire. Telle est la vérité que les auteurs font apparaître. En relisant Sénèque, Marcel Mauss et beaucoup d’autres, ils montrent comment notre existence s’inscrit au cœur de nombreux cycles du demander, donner, recevoir et rendre, et analysent les troubles psychiques comme autant de blocages dans ces cycles qui fondent les sociétés.

Ainsi, nous demandons trop (nous sommes exigeants) ou trop peu (nous sommes timides) ; nous donnons trop (nous sommes grandioses) ou trop peu (nous sommes calculateurs) ; nous n’acceptons pas de recevoir (nous sommes blasés) ou surestimons toujours ce qu’on nous donne (nous sommes extasiés) ; nous ne savons pas rendre (nous sommes ingrats) ou ne supportons pas d’être en dette (nous sommes tourmentés).
Décrivant avec humour tous ces « ratés » de la relation avant qu’ils ne deviennent pathologiques, Alain Caillé et Jean-Édouard Grésy nous donnent les moyens de les surmonter pour retrouver un équilibre, c’est-à-dire un juste rapport aux autres et au monde.

Alain Caillé, professeur émérite de sociologie à l’université Paris-Ouest-Nanterre et directeur de La Revue du MAUSS, est l’auteur d’une trentaine de livres, dont Anthropologie du don (2000 ; 2006), Anti-utilitarisme et paradigme du don (2014) et co-auteur de Pour une nouvelle sociologie classique (2016). Il a également co-signé avec Jean-Edouard Grésy La Révolution du don. Le management repensé à la lumière de l’anthropologie (2014).

Jean-Edouard Grésy est anthropologue. Associé fondateur du cabinet AlterNego, docteur en droit et diplômé de l’EDHEC, ses recherches portent sur la conflictualité et la coopération. Il est notamment l’auteur de Gérer les ingérables (2009) et co-auteur de Gérer les risques psychosociaux (2012) et Comment les négociateurs réussissent (2017).
ous reproduisons ici quelques réactions au dernier livre du directeur de La Revue du MAUSS et de Jean-Edouard Grésy

Première recension

par Robert Maggiori (Libération du 8 septembre, 2018 )

S’il existe, en phénoménologie comme en sociologie, maintes études sur le don et la donation, il est rare qu’on entreprenne une « approche des relations humaines et de la psychologie individuelle » à partir de l’acte très concret de donner quelque chose (« qui donne et qui reçoit quoi, à qui ou de qui, et qui est reconnu ou reconnaissant à ce titre » ?). Alain Caillé, sociologue (directeur de la Revue du Mauss, et auteur, entre autres, de Anti-utilitarisme et paradigme du don ) et Jean-Edouard Grésy, anthropologue (auteur de Gérer les risques psychosociaux), traitent ici cette question du lien entre don et reconnaissance. Ils l’enracinent dans la thématique de la « lutte pour la reconnaissance », telle qu’on l’a définie de Hegel à Charles Taylor, Habermas ou Axel Honneth, mais, surtout, l’envisagent sous l’angle des troubles psychiques, ceux qui peuvent résulter d’un « mauvais ajustement entre les moments du donner, du recevoir et du rendre ». Les auteurs nomment « donativité » la « capacité à vivre harmonieusement, en toute fluidité, le cycle du don » et l’assimilent à la « générosité vraie », dont est étudié le rapport avec la créativité.

Deuxième recension

par Laurent Ottavi

Ce 26 septembre paraît le nouveau livre d’Alain Caillé ; sociologue convivialiste qui a œuvré à la redécouverte de l’œuvre de l’anthropologue Marcel Mauss, le neveu de Durkheim, auteur d’un Essai sur le don,

Le propos de ce livre est de revisiter la psychologie à partir du paradigme du don et de la reconnaissance. Très peu de tentatives ont été de faire d’appliquer cette approche à la psychologie : leur démarche est transversale par rapport à différentes approches psychologiques existantes. Marcel Mauss, dans son Essai sur le don, montre que les sociétés archaïques reposent sur la triple obligation de donner, recevoir et rendre des présents. Comme l’écrivent les auteurs, les travaux de Mauss conduisent à dire « qu’obligation est faite aux acteurs sociaux, pour qu’ils deviennent pleinement sociaux et soient reconnus comme tels, de se montrer généreux, voire dans le cas des sociétés archaïques, d’afficher de manière ostentatoire leur générosité, de la rendre publique  ». Ce qui pose la question de savoir si c’est un vrai don, mais Mauss parle de don, faute de mieux. Dans ces sociétés, le don est un opérateur politique, un opérateur de reconnaissance qui transforme des ennemis en amis : le don n’est donc pas la charité.

En croisant Hegel et Mauss, les auteurs de ce livre estiment que don d’une reconnaissance, reconnaissance d’un don, ces deux motifs sont étroitement liés, comme enchevêtrés. Nous désirons être reconnus pour nos dons : dons passés, dons présents, dons futurs. Si nos dons ne sont pas rendus comme tels, ni rendus, nous avons des sentiments d’injustice, de frustration, de haine. Nous n’avons pas tous la même appréciation de la valeur ou de la signification d’un don fait et reçu et à travers eux, comme l’écrivent les auteurs, « de la valeur personnelle et sociale du donateur et du donataire ». Pour Alain Caillé et Jean-Édouard Grésy, on pourrait presque dire que tous les problèmes de l’humanité naissent de là.

L’ouvrage est composé de deux parties : la première est une typologie des ratés dû donner, recevoir et rendre, avec un apport et une complexification du cycle de Marcel Mauss. Dans la seconde partie du livre, les auteurs se demandent ce qui est la cause des échecs et comment s’en sortir. L’essai enfin se termine par un questionnaire qui permet de déterminer si le registre dans lequel nous sommes le plus à l’aise pour donner ou recevoir est l’affection, l’inspiration, la considération ou l’implication, et s’il est le même dans le registre privé et professionnel.

Les troubles psychiques, selon Alain Caillé et Jean-Édouard Grésy, seraient liés à un mauvais ajustement entre les moments dû demander, dû donner, dû recevoir et dû rendre, en ce qu’ils défient notamment l’équité et la réciprocité. Ils auraient pour origine des problèmes issus de l’enfance ou des traumatismes subis au cours de la vie. Mais ces troubles sont aussi ceux d’organisations, pas seulement d’individus directement : il y a par exemple des entreprises narcissiques.

Lire la Suite sur le site du Journal Du Mauss

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